Réé - ראה
Entre l’écoute et le voir, le judaïsme a opté en général pour l’écoute. Le second des Dix Commandements (10 Paroles), par exemple, interdit la représentation de l’image, et le célèbre Chéma Israël signifie « Ecoute Israël ! »
« Écouter » en hébreu signifie « entendre » mais aussi « comprendre ». C’est pourquoi les rabbins dans le Talmud discutent de savoir s’il est nécessaire de réciter le Chéma à voix haute ou si une simple lecture intellectuelle est suffisante. (Au niveau de la halakha, il vaut mieux réciter le Chéma à voix haute avec les intonations liturgiques.)
Ainsi, au moment de la récitation du Chéma, matin et soir, le fidèle entend et comprend le grand principe du monothéisme : Il existe une seule divinité, Unique par rapport au polythéisme, et Un en Lui-même.
La paracha de la semaine commence par « Vois ! » Bien sûr, il s’agit des yeux de l’esprit, comme on dit en français « je vois ce que vous dites ! » Là encore, il y a une approche intellectuelle.
Comment justifier que la Torah utilise tel ou tel terme ? Plusieurs réponses sont avancées. Nous en retiendrons une. Dans la Chéma Israël, il s’agit de proclamer un principe fondamental : le monothéisme. Cette idée révolutionnaire n’est pas évidente pour la conscience humaine. Tout se passe comme si la Bible affirmait que l’homme était naturellement idolâtre, et qu’il fallait un effort de la pensée pour se débarrasser d’une vision plurielle de la réalité. Car l’idolâtrie est une faute de la pensée, plus qu’une faute en acte. Les marranes avaient, à l’époque de l’Inquisition espagnole, accepté la conversion au christianisme en acte, alors que leur cœur restait attaché à la foi d’Israël. (Bien sûr, le Talmud va discuter des cas où il vaut mieux mourir que de commettre la faute d’idolâtrie, mais nous ne développerons pas ici ce thème.)
Dans la paracha de la semaine, il s’agit de voir la réalité du monde. « Vois, Je place devant toi la bénédiction et la malédiction. » Il ne s’agit pas de voyager dans l’univers des idées, il s’agit de considérer les faits concrets. Dans le monde ici-bas, il y a du bien et du mal, de la malédiction et de la bénédiction (la malédiction étant la conséquence de l’éloignement par rapport à Dieu) . Là, il faut vraiment avoir les pieds sur terre. Si quelqu’un plane trop dans les sphères célestes, il risque de se faire avoir par les pièges du monde et des hommes (les méchants, les pécheurs et les moqueurs par exemple dont parle le premier Psaume.)
Il faut savoir ouvrir les yeux ! Voilà le conseil de notre paracha.
Notre patriarche Jacob représente l’exemple de l’homme qui « écoute » et qui « voit ». Chez son père Isaac, il est « assis dans la tente », celle du berger, mais aussi celle de la yéchiva de Chem et Ever, et là il écoute la leçon du monothéisme. Mais lorsqu’il quitte la maison paternelle pour aller chez Laban, là il ouvre les yeux pour ne pas se faire avoir.
La simplicité est certes une vertu, mais une naïveté excessive peut coûter très cher.