Mikèts - מקץ
Notre paracha est inaugurée par les deux rêves de Pharaon. Rêves célèbres. Sept belles vaches montent du Nil et se font dévorer par sept vaches maigres. Puis, sept beaux épis disparaissent dans le corps de sept épis desséchés. Elevage et pâturage sont les deux mamelles de l’Egypte. Les bergers et les agriculteurs constituent la force économique du pays. Les deux plus vieux métiers du monde : « Abel était berger, et Caïn travaillait la terre. » Le nomade et le sédentaire. En Canaan, la vie économique dépend des pluies, dépend du ciel. En Egypte, l’eau vient du Nil, déifiée par sa régularité et sa bénédiction. Les vaches et les épis montent du fleuve. Pharaon rêve à partir d’une réalité qu’il connaît parfaitement. Le songe est néanmoins perturbant. Le Nil ne donne pas seulement la bénédiction et l’abondance. Il fait sortir du mal : des vaches maigres, des épis desséchés. Le monde n’est pas achevé, il reste des traces du tohu-bohu originel. Est-ce l’étrangeté du rêve ou le signe qu’y semble se déceler qui inquiète le pharaon ? « Vatipaem rouho » = l’esprit (du souverain) ressemble à une cloche. Pourquoi ce qui est habituellement source de bienfaits présente-il les signes de la désolation ?
La Nature ne serait pas toujours source de bénédictions ? Pharaon connaît la réponse, comme tout rêveur connaît inconsciemment le sens de son rêve, mais comment passer le message à l’état de conscience, à la prise de conscience.
Personne ne peut donner de réponse à ce questionnement. Personne, sauf Joseph. Les rêves sont des messages divins, enseigne-t-il. Le Créateur parle à l’homme dans l’espace où il ne peut exercer sa liberté : le sommeil. Il y a du secret derrière la littéralité du monde. « Les deux rêves de pharaon sont uniques ». Même message exprimé de deux manières différentes. Freud dira plus tard que tous les rêves d’une même nuit sont en lien. Ce qui importe pour Joseph, l’Hébreu en exil, c’est moins le sens du message (7 années d’abondance, puis 7 années de disette) que d’enseigner au pharaon qu’il existe un auteur de la lettre.
Voilà la mission de Joseph, enseigner à Pharaon : La Nature n’est pas naturelle, pour peu que l’on se référât à la transcendance qui parle.
« Les deux rêves de Pharaon sont uniques » peut aussi s’entendre : les deux rêves de pharaon procèdent de celui qui est unique, le Un du monde.
« Israël n’a été en exil que pour convertir les païens », enseigne le Talmud. Joseph en sera un bel exemple.