Chélah' Lékha - שלח לך
La Paracha de cette semaine relate l’épisode des explorateurs qui furent envoyés en Israël pour préparer l’entrée en terre sainte. Seulement, leur compte rendu fut négatif. D’après eux, le peuple ne pourrait pas entrer en Israël. Il devrait plutôt rester dans le désert. Leur punition fut justement de mourir dans le désert.
Vers la fin de la Paracha, la Torah relate une autre histoire, celle du ramasseur du bois. Un jour de Chabbat, on trouva un homme qui ramassait du bois et le transportait. Ce qui était bien sûr interdit. D’ailleurs, il fut condamné à mort puis exécuté pour cela.
Et enfin, la Paracha conclut avec la Mitsva des Tsitsit.
Quel est le lien entre ces trois passages, apparemment sans aucune relation, se trouvant dans la même Paracha : les explorateurs, le ramasseur de bois et les Tsitsit ?
Quel est exactement le sens du passage du ramasseur de bois ? Pourquoi se mit-il justement à ramasser du bois ?
En fait, le Zohar rapporte que l’expression hébreu rapporté par la Torah et que nous avons traduit par : « le ramasseur de bois », est en fait : « Mekochech Etsim ». Le terme « MEKOCHech » se rapproche étymologiquement du verbe « MEKICH », qui signifie « comparer » ou « établir une analogie ». D’autre part, si « Etsim » peut signifier le bois, il s’agit en fait plus exactement d’arbres (Ets). D’après cette explication, l’expression Mekochech Etsim prend un sens tout à fait différent. Il s’agit de « celui qui compare les arbres ». De quels arbres s’agit-il ?
Le Zohar explique qu’il s’agit des deux arbres particuliers qui se trouvaient dans le paradis : l’arbre de la vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ce ‘‘ramasseur de bois’’ aurait plus exactement comparé ces deux arbres. Sa faute consistait à avoir établi une analogie entre eux et à se demander lequel des deux avait plus d’importance. Il n’a pas vu la supériorité de l’arbre de la vie et a pensé que peut-être l’arbre de la connaissance du bien et du mal serait préférable. C’est en cela que résidait sa transgression de Chabbat. Par là, « il n’a pas tenu compte de l’honneur de son créateur » Cette explication paraît assez énigmatique. D’autant plus qu’on ne voit pas trop le rapport avec le Chabbat.
En tout cas, on peut remarquer que cette faute ressemblait, dans sa nature, à celle de Adam, le premier homme. Adam a lui aussi pensé que l’arbre de la connaissance, cet arbre défendu, pourrait être préférable à celui de la vie. C’est pourquoi, il a consommé de son fruit. Comment cela est-ce possible ?
Lorsque D.ieu a créé le monde, la gloire de D.ieu resplendissait. On pouvait voir clairement l’honneur de D.ieu dans la création. Accomplir Sa Volonté était une évidence. Il ne pouvait pas en être autrement et il était pratiquement impossible de fauter. Malgré tout, il existait un certain libre arbitre, de même qu’un homme a toujours la liberté de mettre sa main au feu, même s’il sait clairement qu’il va se brûler. Avant la faute d’Adam, certes, il était possible de choisir le mal. Seulement, la faute était semblable au feu. Il était impensable de fauter. Mais alors, comment Adam en est-il arrivé à fauter ?
En fait, cette faute partait du désir d’avoir un libre arbitre équilibré. Car, la conséquence de la faute fut la connaissance du bien et du mal. Ces deux concepts se mélangèrent en l’homme. A partir de là, la guerre entre le bien et le mal fut amorcée. L’attirance pour le mal devint possible. Le libre arbitre prit alors un nouveau sens. Il s’agit désormais de choisir le bien après un effort, après avoir rejeté l’attirance naturelle pour le mal. Mais apparemment, ce système peut sembler préférable. Car, l’homme a plus de mérite à accomplir le bien après un effort. « Le salaire dépend bien de l’effort ». Adam, conscient de cette conséquence de la faute, décida de manger du fruit de l’arbre de la connaissance. Il voulait intégrer le mal pour que son choix pour le bien soit beaucoup plus valorisé.
Cette intention paraît positive. Sa volonté d’être confronté à un vrai libre arbitre équilibré exigeant un effort pour choisir le bien semble tout à fait justifiée. On peut même se demander où est le mal, et pourquoi il fut puni.
En fait, il est vrai que choisir le bien après être confronté au mal est positif. Seulement, ce libre arbitre là constitue en réalité une offense vis à vis de D.ieu. L’homme, qui à été créé par D.ieu, sera désormais confronté à un doute : vais-je réaliser la volonté de D.ieu ou non ? Certes, il pourra le surmonter et réaliser le bien. Seulement, le fait même d’hésiter dans un premier temps est déjà une offense. Comment un être créé par D.ieu peut-il se demander s’il est utile de réaliser la Volonté de Celui qui le fait vivre à chaque instant ? Cela représente un certain affront à l’honneur de D.ieu.
A présent, on peut mieux comprendre également la faute des explorateurs. La Terre Sainte est une sorte de monde futur, de paradis. C’est là que « les Yeux de D.ieu sont constamment rivés ». Alors que dans le reste du monde, la Providence est voilée. Mais, les explorateurs préférèrent rester en dehors d’Israël, commettant ainsi la même erreur que Adam.
C’est aussi là que se situe la faute du Mekochech Etsim (le ‘‘ramasseur de bois’’). Il s’est mis à réfléchir et à peser : « Qu’est-ce qui est plus important ? L’arbre de la vie ou l’arbre de la connaissance ? » En d’autres termes, qu’est-ce qui est mieux : accomplir la volonté de D.ieu de façon évidente, avec une idée repoussante du mal, comparé au feu, ou bien plutôt avoir un libre arbitre équilibré pour choisir le bien après un effort de résistance face au mal ?
Certes, lui, il n’a fait que douter. Il n’a pas choisi clairement « l’arbre de la connaissance du bien et du mal », comme Adam, ou les explorateurs qui décidèrent de rester en dehors d’Israël. Seulement, l’idée était la même.
Le Chabbat est le jour sanctifié pour D.ieu. C’est là qu’apparaît la Gloire de D.ieu, pour ceux qui l’observent. C’est d’ailleurs pour cela que le Chabbat est un avant goût du monde futur, où radiera la lumière divine et Sa Volonté.
Mais, le Mekochech Etsim, en commettant l’erreur de penser que peut-être l’arbre de la connaissance est préférable et qu’il est peut-être mieux que la gloire divine soit cachée pour laisser place à un vrai libre arbitre, où le mal a aussi sa place, par cela, il transgressa le Chabbat. Il renia l’idée même de Chabbat consistant à considérer que seule la Volonté divine prime.
Mais, lorsque Adam fauta, il se retrouva nu. D.ieu lui fit alors une tunique. C’est que la conséquence du choix en l’arbre de la connaissance, c’est la prise de conscience de la nudité. Avant la faute, le désir n’avait pas vraiment sa place, car le mal était reconnu comme nuisible. Mais après la faute, lorsque le mal fut intégré, la nudité fut perçue comme source de désir. Il fallait donc se recouvrir.
C’est pourquoi, à l’image de ce vêtement originel, la Torah impose la Mitsva des Tsitsit, servant à se protéger des revers du désir et à « se souvenir de toutes les Mitsvot », comme l’affirme le texte. Le Tsitsit est donc une sorte de bouée de sauvetage pour se protéger des conséquences de la faute d’Adam.
C’est pourquoi, notre Paracha qui relate la faute des explorateurs et celle du Mekochech Etsim, doit se terminer par la Mitsva des Tsitsit, pour recouvrir la situation de nudité conséquente à ces fautes.